11 Juil
Le colloque de 2011 sur les prions a eu lieu à Montréal plus tôt cette année, mettant en vedette certaines nouvelles études et découvertes prometteuses découlant des recherches sur les EST, et nous avons cru bon de les partager avec vous.
Les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) sont des maladies neurodégénératives infectieuses, chroniques, progressives et mortelles qui touchent différentes espèces. Les EST se manifestent de manière différente chez les espèces et les mécanismes exacts de transmission et d’infection restent largement inconnus. Il a toutefois été démontré avec certitude que les EST sont liés à un type de protéine appelée prion qui réside dans les cellules et qui s’autopropage. Il y a beaucoup de recherches en cours portant sur le contrôle des EST, notamment celles qui sont à l’origine de la tremblante et de la maladie débilitante chronique. La tremblante et la maladie débilitante chronique se distinguent par le fait qu’elles sont transmises horizontalement par contact direct avec les animaux ou avec un milieu infecté, et elles se manifestent par une infection endémique (limitée à une zone particulière), par opposition aux infections épidémiques (extrêmement répandues et généralisées) associées à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).
Wathne et coll. (2011) suggèrent que la transmission par voie orale, notamment par la salive, de la tremblante est la voie la plus commune d’infection et les lésions de la peau ou des muqueuses favorisent cette transmission. Les constatations de Denkers et coll. (2011) ainsi que celles de Seelig et coll. (2011) appuient cette théorie et proposent que par leur comportement naturel les poussant à chercher de la nourriture, les cervidés soient portés à subir des lésions et abrasions buccales mineures qui les rendent vulnérables à l’absorption des prions et aux infections subséquentes. Haley et coll. (2011) affirment que les prions infectieux des cervidés se propagent par la salive, l’urine et les excréments, contaminant ainsi leur habitat commun. Dans le cadre de recherches portant sur la tremblante chez les moutons et les chèvres, Lowe et coll. (2011) émettent l’hypothèse que les prions peuvent se multiplier dans les neurones olfactifs de la muqueuse nasale en raison du milieu riche en neurones de l’épithélium, et que tout dommage subi par la muqueuse à la suite d’une blessure, d’une inflammation ou d’une infection peut accélérer le déchargement de prions dans les sécrétions nasales. L’élaboration et l’utilisation d’une nouvelle technique, appelée protein misfolding cyclic amplification (PMCA), permet la détection des prions dans divers tissus et sécrétions comme le lait, les excréments, l’urine, la salive, le mucus et le sang à des degrés beaucoup plus faibles d’infection qui n’était pas possible de détecter auparavant. Le perfectionnement et la reconnaissance de cette technique pourraient la rendre très utile pour la détection ultérieure des maladies.
La recherche sur les milieux contaminés par les prions se poursuit et elle fournit des conclusions relativement homogènes. Kuznetsora et coll. (2011) affirment que le sol peut servir de réservoir stable pour les protéines prions infectieuses et que les types de sols comme la terre à base d’argile peuvent accroître l’infectiosité du prion, tandis que les sols composés de sable quartzeux sont moins portés à se lier avec la protéine PrPSc (protéine prion anormale associée à l’EST). Smith (2011) appuie la conclusion d’une contamination durable des sols par les prions avec une réduction très faible de leur concentration au fil du temps, mais ajoute que l’EST n’est pas porté à migrer dans le sol. Nagaoka et coll. (2011) réfutent quelque peu ces conclusions après avoir observé une diminution du taux de PrPSc dans le sol durant une période de 6 mois. Les deux camps conviennent que des recherches supplémentaires s’imposent aux fins de certitude.
En plus de la recherche en cours sur la transmission du prion et les mécanismes d’infection, beaucoup de travaux portent sur l’immunité ou la résistance à l’EST chez les moutons, les chèvres et les cervidés. La transmission horizontale relativement aisée de ces maladies et la conclusion que l’excrétion naturelle et la contamination de l’environnement sont monnaie courante nous portent à nous demander pourquoi ces maladies n’ont pas complètement ravagé le secteur. Bien qu’aucune immunité naturelle au prion n’ait été décelée, des recherches existantes et nouvelles révèlent l’influence du génotype sur l’effet de la maladie. L’identification de certains génotypes résistants à la tremblante chez les moutons sont assez clairement définis et couramment utilisés dans les programmes de lutte contre les maladies dans le monde entier, y compris dans le Programme volontaire de la certification des troupeaux à l’égard de la tremblante au Canada. Une étude réalisée par Hurtado et coll. (2011) suggère que l’analyse statistique des données a démontré un rôle protecteur de certains génotypes de la chèvre contre la tremblante classique. Fast et coll. (2011) soutiennent l’influence du génotype de la chèvre sur la susceptibilité à l’EST et vont même jusqu’à affirmer que le génotype de la chèvre a clairement une influence sur la sensibilité à l’ESB, le génotype K222 affichant une susceptibilité beaucoup plus faible. Le consortium européen sur l’ESB de la chèvre fait appel à ce génotype pour tenter d’éradiquer la maladie en favorisant la reproduction des chèvres résistantes à l’EST (Langeveld et coll., 2011). Des recherches similaires réalisées sur les cervidés ont démontré que certains cerfs de Virginie portant le génotype homozygote ont un risque quatre fois plus élevé de souffrir de la maladie débilitante chronique des cervidés, tandis que leurs semblables portant le génotype hétérozygote survivent à cette maladie durant une période 49 % plus longue, pouvant vivre en moyenne 8,25 mois de plus. Le trait commun à toutes les maladies de l’EST est la réalisation que la variation du prion influence la susceptibilité et la progression de la maladie chez un individu. Gonzalez et coll. (2011) suggèrent que les agents naturels de la tremblante se composent d’un mélange de souches qui se propagent de manière différente dans des moutons de génotypes différents, ce qui ajoute à la complexité de la résistance du génotype.
Une constatation commune parmi toutes les branches de la recherche sur les EST est qu’un bon programme de contrôle de la maladie se doit d’être multiforme. Alors que l’élevage prônant la reproduction des animaux résistants à l’EST peut s’avérer utile dans le contrôle des taux d’infection, il n’existe pas encore de méthode génétique infaillible pour éradiquer la maladie. L’éradication des EST peut se réaliser tout en préservant une certaine quantité de génotypes, permettant ainsi le maintien de la diversité génétique (Langeveld et coll., 2011). Limiter le contact avec les animaux et les milieux infectés est essentiel afin de contrôler la propagation de la maladie, mais les choses se compliquent en raison de la longue période d’incubation et de la nature opportuniste du prion. Un engagement et une surveillance à long terme continuent d’être essentiels en vue de contrôler et d’éradiquer les maladies de l’EST.
Denkers et coll., 2011. Minor Oral Lesions Facilitate CWD Infection. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Haley et coll., 2011. Detection of CWD Prions in Urinary, Salivary, and Intestinal Tissues of Deer: Potential Mechanisms of Prion Shedding and Transmission. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Hurtado et coll., 2011. Prion Protein Gene Polymorphisms in Spanish Goat and Their Association with Classical and/or Atypical Scrapie. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Kuznetsova et coll., 2011. Soil Properties as a Factor in CWD Spread in Western Canada. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Langeveld et coll., 2011. State of the Art and Perspectives for Genetic Eradication of TSEs in Sheep and Goats. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Lowe et coll., 2011. Accelerated Prion Shedding Following Damage to the Olfactory Epithelium. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Nagaoka et coll., 2011. Sensitive Detection of Scrapie Prion Protein in Soil. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Seelig et coll., 2011. Identification of PrPCWD in the Salivary Gland Epithelium of White-tailed Deer: Novel Insights Into Mechanisms of CWD Horizontal Transmission. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Smith. A, 2011. High Survival Rates of TSE Infectivity Buried in Two Soil Types. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.
Wathne et coll., 2011. Involvement of Skin DC Subsets in TSE Transmission. Compte rendu de Prion 2011. Montréal.